La Princesse Lointaine
(1)
Du plus grand désarroi
Hélas ! mon âme est pleine
Car je suis comme un roi
Qui a perdu sa reine.
Elle est auprès de Dieu,
Mais le beau ciel tout bleu
Point ne cache à mes yeux
Ma Princesse Lointaine.
Je la sens dans mon cœur
Toujours douce et sereine
Et ce pâle bonheur
Apaise un peu ma peine.
Mais je crois au retour
D'un aussi cher amour,
Et j'attends chaque jour
Ma Princesse Lointaine.
Je la verrais venir
Tout au loin dans la plaine
Éclairant l'avenir
D'une aube souveraine
Si belle en ses attraits,
Et je reconnaîtrais,
Même sous d'autres traits
Ma Princesse Lointaine.
D'un être immatériel
Je sens la chaude haleine
Et cet ange du ciel
A sa suite m'entraîne.
En lui tout est bonté,
Grâce et félicité
Et j'aime en sa beauté,
Ma Princesse Lointaine.
Qu'importe qui elle soit
Bergère ou châtelaine !
Sans être sous mon toit
Je la sens déjà mienne.
Je voudrais à son bras
La suivre pas à pas,
Mais je ne connais pas
Ma Princesse Lointaine.
Je rêve à un amour
D'une forme incertaine
Et je passe le jour
Dans une attente vaine.
Mais lorsque vient le soir
Je renais à l'espoir,
Car j'aime sans la voir
Ma Princesse Lointaine.
23 novembre 1954
(1)"C'est une réminiscence de La Princesse Lointaine de Rostand, tirée d'une belle légende - Jauffré Rudel, poète provençal, aime idéalement la princesse de Tripoli qu'il n'a jamais vue. Il s'embarque pour aller la chercher, mais meurt en arrivant. Il est néanmoins heureux, puisqu'il rend le dernier soupir dans les bras de la princesse. J'ai trouvé une certaine analogie entre cette histoire et la mienne où l'idéal prend le pas sur la réalité, idéal dont souvent on vit, mais dont parfois aussi on meurt." (G.M.)