Au jour déjà lointain
Je pense au jour déjà lointain
Où, dans notre monde incertain
Se leva, de ton cher destin
L'aube nouvelle.
Et le berceau où tu dormais
Renfermait de bien lourds secrets.
Dieu seul savait si tu serais
Ou laide ou belle.
Et peu à peu tu as grandi.
Tu as chanté. Tu as souri.
Peut-être as-tu connu aussi
De la souffrance,
Mais sans trop bien savoir pourquoi.
Tu as gardé au fond de toi,
Comme un trésor, le doux émoi
De ton enfance.
Tendres parents, chère maison,
École avec devoirs, leçons,
Petites filles et garçons
Souvent peu sages,
Tout cela passe sans retour,
Laissant bientôt la place pour
Le vrai travail, et c'est un jour
L'apprentissage.
Puis sont venus les mauvais jours
De grandes peines sans recours,
Semblant devoir durer toujours,
Sont endurées.
Mais ton cœur libre de tout lien,
Sut demeurer fidèle au bien,
Malgré des épreuves combien
Prématurées.
Alors, nous nous sommes connus.
De chers espoirs sont revenus,
Des chants d'amour sont parvenus
À nos oreilles.
Et la fraîcheur de leurs accents,
Malgré nos cheveux presque blancs,
Est pour nous, en dépit du temps,
Toujours pareille.
Si notre amour et les enfants
Nous ont donné de doux moments,
La joie autant que les tourments
Furent des nôtres.
Souvent tout paraissait perdu,
Mais ce qui nous a soutenus
C'est que chacun a toujours pu
Compter sur l'autre.
Que de fois nous avons rêvé
Par de beaux jours, les yeux levés,
Ayant tous les deux éprouvé
Un même charme,
Et quand un chant mélodieux
Montait suave, vers les cieux,
Nous avions, à ces mêmes yeux,
Les mêmes larmes.
Mais voici l'ombre qui s'étend.
Déjà parfois le froid nous prend
Qui fait présager un instant
Bien redoutable.
Car, hélas, malgré notre amour
Il nous faudra partir un jour,
Et nous irons, à notre tour,
Vers l'insondable
Vite chassons un tel ennui
Loin de nos cœurs, car aujourd'hui
Il n'est pour moi qu'un seul souci,
Celui de plaire,
Songeant au jour déjà lointain
Où se leva ton cher destin,
Et dont je fête ce matin
L'anniversaire.
4 Mars 1949.